A peine trentenaire en France, le téléachat traîne une image ringarde qui masque une autre réalité. Avec jusqu’à 400 000 téléspectateurs le week-end, une offre souvent exclusive et des promotions dans tous les sens, c’est pourtant une sacrée machine commerciale, concurrencée de tous bords, mais que la crise peine à atteindre.
A l’heure de l’essor de la vente en ligne, le téléachat fait de la résistance. Ce qui peut apparaître comme un ovni télévisuel en France est bien plus reconnu ailleurs. « La Corée du Sud est le plus gros consommateur de téléachat par habitant au monde, avec 130 euros par an, explique Gilles Labouyrie, directeur général adjoint du Téléshopping de TF1. En France, on en est à 3,5 euros, contre une fourchette de 30 à 70 euros en Allemagne, en Angleterre ou en Italie. »
Autant de pays qui disposent de plusieurs chaînes dédiées, 24h/24, au téléachat. Chez nous, il reste cantonné à des plages horaires strictes (interdit entre 11h30 et 14h et à partir de 16h sur les chaînes généralistes). Ce qui n’empêche pas TF1 et M6, ses deux principaux acteurs, de se frotter les mains.
Sur la Une, ce sont 150 000 téléspectateurs qui sont fidèles à TéléShopping en semaine, et jusqu’à 400 000 le samedi. « On ne peut exclure de regarder les audiences mais l’important, c’est le chiffre d’affaires, précise Gilles Labouyrie. Il n’y a d’ailleurs pas de corrélation automatique entre les deux. On peut réussir de très belles ventes avec des audiences plus faibles. »
Les ventes, comme les audiences, sont d’ailleurs stables, avec 1,4 million de produits vendus en 2013, via une TV connectée, mais surtout par téléphone (50% des ventes), en ligne (45%) ou dans l’une des quatre boutiques de la marque (5%). Téléshopping ne vend plus de produits de marques depuis quelques années. Les téléspectatrices –environ 80% de l’audience, 52 ans de moyenne d’âge- s’y arrachent produits de fitness, soutiens-gorge ou autres accessoires de cuisine.
Effet de crise « à l’envers »
N’allez d’ailleurs pas dire que le téléachat est une affaire de seniors. « Pour preuve, les meilleures ventes ne sont pas des produits très utiles aux seniors », affirme-t-on du coté de Téléshopping, dont le succès serait davantage « dans les villes moyennes ou leurs banlieues, nous ne sommes pas un distributeur de centre-ville ».
Le premier argument de la formule, c’est l’exclusivité des produits que le programme fait lui-même fabriquer et dont l’équivalent se trouve difficilement -voire pas du tout- dans le commerce. Pas simple, alors, de comparer les prix. « En général, nous sommes au même prix que le commerce classique », assure Gilles Labouyrie.
Le panier moyen sur Téléshopping, qui tourne autour de 100 euros, est stable ces dernières années. Le concept n’a pas vraiment souffert de la crise. « C’est plutôt un effet de crise à l’envers, un contre-cycle qui a toujours existé pour nous, poursuit M.Labouyrie. L’achat chez nous est un achat plaisir et ce côté plaisir n’existe pas quand la consommation est compliquée. La preuve en septembre, un mois pourri pour le consommateur, où nous avons bien travaillé. »
L’émission s’est même depuis peu mise aux soldes, avec « un effet énorme » sur les ventes, qui bondissent de près de 20% pendant ces périodes. Et coté concurrence ? « Notre plus grand concurrent s’appelle le fisc, quand il réduit la masse d’argent disponible », glisse le DGA du programme. Qui sait disposer d’un atout majeur, « pouvoir expliquer en vidéo la manière dont fonctionne le produit ». Le tout en des termes simples, l’une des autres clés du succès, paraît-il.
Les Français verront d’ailleurs peut-être un jour une chaîne 100% dédiée à la formule. Des dossiers ont été déposés en ce sens auprès du CSA, notamment par TF1. En gestation, l’idée d’une chaîne « qui vendrait des produits du terroir ou élaborés en France sous la forme d’un téléachat, ce qui pourrait créer de belles histoires », détaille Gilles Labouyrie. Affaire à suivre.
Benjamin Hay