Oubliée l’euphorie d’après 2008. Les enseignes d’achat-vente d’or, qui ont fleuri partout en France à la faveur de la crise, ont désormais moins la cote. Malgré un pouvoir d’achat serré, les Français sont moins enclins à revendre leur précieux métal, dont le cours a chuté de près de 30% sur un an.
Du coté des professionnels du secteur, on fait grise mine. « A l’heure actuelle, la revente d’or est très à la baisse, comme le cours de l’or ». Le constat de Jean-Pierre de Boutsalis, président du syndicat national d’achat d’or et de bijoux (SNAOB), est sans appel. La valeur du lingot, qui tourne aujourd’hui autour de 31 000 euros, a perdu 29.2% sur un an*. « On est montés à un pic de presque 44 000 euros » il y a quelques mois, se souvent le président du SNAOB. Une baisse que les professionnels de l’achat constatent chez eux au quotidien. « Beaucoup de sociétés qui se sont montées à la va-vite on fait faillite, rapporte Jean-Pierre de Boutsalis. Depuis le début de l’année, environ un tiers de ces sociétés ont disparu. »
Fin de l’âge d’or, donc, pour des spécialistes qui, outre la crise, montrent du doigt la hausse de la taxation sur les ventes (passée de 8 à 10.5% au 1er janvier 2014). Selon un sondage Ipsos pour CpoR Devises**, 66% des Français estiment que la législation sur la taxation de l’or est un frein à la revente. De quoi expliquer, peut-être, une chute de la revente estimée à 38% entre mai 2013 et mai 2014. Crise ou taxe, on se presse moins derrière les comptoirs. Et les habitudes ont changé. « Il y a quelques années, on voyait les gens venir vers nous à l’approche du tiers prévisionnel ou de la taxe d’habitation, mais aujourd’hui c’est fini, explique Daniel Blin, co-responsable du bureau de change Joubert, à Paris. Les gens étalent la revente tout au long de l’année. La crise du pouvoir d’achat est une explication, mais c’est surtout par peur de l’avenir. »
Une valeur refuge, malgré tout
La baisse du nombre de clients dans les points de revente ne signifie pas que les réserves en or des Français s’épuisent. Bien au contraire : la manne possédée dans le fameux « bas de laine », souvent héritée ou donnée, est estimée à 90 milliards d’euros. Un trésor que l’on garde au chaud. « L’or a toujours été une valeur refuge, c’est du physique et on va partout avec du physique, soutien Daniel Blin. Quand les temps sont incertains, les gens préfèrent avoir de l’or physique qu’ils gardent chez eux plutôt que d’avoir de l’épargne sur leur livret A. » Une analyse confirmée par le sondage de mai : 32% des Français placent l’or, sous forme de pièces ou de lingots, parmi les placements qu’ils jugent les plus rentables, contre 20% pour le livret A.
Restent les bijoux, qui représentent la majorité des reventes. Des biens « sans grande valeur » dans la plupart des cas, précise Jean-Pierre de Boutsalis, dont on se débarrasse « par peur du vol, ou parce que l’on a déjà été volé, ceux qui s’en séparent pour raisons financières sont rares ». A l’approche des fêtes, les clients devraient se faire plus nombreux. « On a toujours une augmentation légère à la veille des vacances et de Noël. Les gens ont des cadeaux à faire, peuvent avoir besoin de liquidités », confirme Jean-Pierre de Boutsalis. Que le cours de l’or baisse ou non. A rebours de la conjoncture, selon le sondage d’Ipsos, 63% des Français pensent que le marché de l’or « est en forte progression ».
Benjamin Hay
*Source cpordevises.com, chiffres comparés sur le cours du lingot entre le 28/11/2013 et le 27/11/2014.
**Réalisé à partir d’un échantillon de 1 022 personnes, représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus. Sondage sur Internet effectué entre le 9 mai et le 15 mai 2014.
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